L’Épître de Paul aux Laodicéens

 

 

 

Traduction et notes par Didier Fontaine

didier@areopage.ent – www.areopage.net

 

fig.1 Zeus Azeis de Laodicée

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Introduction

 

Tout commence par cette étrange mention que l’on trouve sous la plume de l’apôtre Paul – certains diraient, non de Paul, mais d’un disciple – dans l’épître adressée aux Colossiens (4 :16):

 

kai. o[tan avnagnwsqh/| parV u`mi/n h` evpistolh,(

poih,sate i[na kai. evn th/| Laodike,wn evkklhsi,a| avnagnwsqh/|(

kai. th.n evk Laodikei,aj i[na kai. u`mei/j avnagnw/teÅ

 

                quand cette lettre aura été lue chez vous,

                faites en sorte qu’elle soit aussi lue dans l’ekklésia des Laodicéens,

                et de même celle de Laodicée, qu’elle soit lue chez vous.

 

Cette lettre de Laodicée rédigée par Paul a fait couler beaucoup d’encre. Pourquoi n’est-elle pas présente dans le canon actuel du Nouveau Testament ? A-t-elle été perdue, et quelles en sont les implications ?[1] Est-ce celle qui nous est parvenue en latin, mais que tous prétendent pseudépigraphe ?

 

Il faut déjà remarquer que l’expression th.n evk Laodikei,aj (celle de la Laodicée) est ambiguë[2]. Elle peut signifier : soit une lettre écrite par les Laodicéens[3], soit une lettre écrite par Paul depuis Laodicée[4], soit, plus logiquement, une lettre écrite par Paul aux Laodicéens.

De cette lettre il ne nous est apparemment rien parvenu en grec[5]. Le document intitulé Epistola ad Laodicenses se trouve dans un peu plus d’une centaine de manuscrits de la Vulgate, dont le plus ancien est le Codex Fuldensis (546 de notre ère). Une très ancienne traduction nous est par ailleurs conservée dans le Harleian Mss. Cod. 1212, situé au British Museum. Un spécialiste déclare au sujet de sa présence dans ces versions :

 

    ... for more than nine centuries this forged epistle hovered about the doors of the sacred Canon, without either finding admission or being peremptorily excluded[6].

 

Connue des pères latins (peut-être pas sous la forme que nous lui connaissons actuellement) elle était tenue en estime par Grégoire le Grand[7], mais rejetée par Jérôme :

« On peut supposer encore que Paul est l'auteur de cette épître [aux Hébreux], et qu'il a retranché au commencement la formule de salut à cause de la haine que les Juifs avaient vouée à son nom. Hébreu lui-même et écrivant à des Hébreux, il employa la langue nationale avec tant d'élégance que les beautés de l'original passèrent dans la traduction grecque. Voilà d'où provient la différence qui semble exister entre cette épître et les autres ouvrages de Paul. Quelques auteurs ont mis sous son nom une épître aux Laodicéens, mais elle est généralement rejetée[8]. » - Œuvres complètes de Saint Jérôme, Vie des hommes illustres

 

Jusque là, rien de véritablement étonnant. Des difficultés toutefois vont surgir du témoignage assez ancien du célèbre Canon Muratorianus, ou Fragment de Muratori (c. 90). Nous reproduisons ici le texte latin original, non amendé[9], dont nous proposons une traduction.

63                                           fertur etiam ad
64. laudecenses alia ad alexandrinos pauli no
65. mine fincte ad heresem marcionis et alia plu
66. ra quae in catholicam eclesiam recepi non
67. potest

 

63                                           il existe aussi une [épître] aux
64. Laodicéens, une autre aux Alexandrins, attribuées faussement à Paul[10],
65 pour [soutenir] l’hérésie de Marcion, et plusieurs autres
66. que l’eclesia universelle ne peut pas
67 recevoir[11]

 

Cela est troublant, car la soit-disant épître aux Laodicéens qui nous est parvenue, et que nous proposons ici en nouvelle traduction française, ne peut en aucun cas être assimilée à l’épître aux Laodicéens évoquée par le fragment de Muratori[12]. Ceci pour la raison que les vingt versets de cette missive n’ont aucune visée théologique particulière. Elle ne fait, de plus, absolument aucune référence à la doctrine de Marcion, ni pour la condamner, ni pour la réfuter[13]. Ainsi raisonne le professeur Ehrman :

 

It is difficult to see why a pseudonymous author would choose to forge a letter in the name of Paul without trying to achieve some kind of evearching purpose such as attacking a particuliar heresy ( cf. 3 Corinthians) or promoting Paul’s apostle status (cf. the correspondance of Paul and Seneca)[14].

 

Un examen, même rapide, montre qu’il s’agit d’un compost de phrases pauliniennes collées les unes aux autres sans véritable souci de liaison ni de cohérence. La source principale est l’épître aux Philippiens, mais Galates, 1 Timothée et Colossiens sont également évoquées.

 

Par ailleurs, nous ne possédons pas de témoignage de son existence antérieur au 4e siècle (Théodore de Mopsueste). Ainsi, puisque l’épître que nous présentons ne peut être l’authentique, quid de l’originale ?

 

Il y a deux façons d’expliquer cette anomalie gênante[15].

 

La première est de considérer que cette épître n’apportait rien de plus que ce que nous trouvons déjà dans les quatorze épîtres de Paul[16]. Cette façon d’appréhender la difficulté n’appelle pas de considérations plus poussées. Elle est plausible, mais c’est une croyance. Thomas d’Aquin la partageait :

 

Saint Paul écrivit donc d'autres épîtres en particulier celles dont il est parlé ici, adressée aux Laodiciens, et une autre aux Corinthiens, comme il est dit I Corinthiens V, 9. Pourquoi ne furent- elles point dans le Canon des Écritures? Sans doute parce que leur authenticité n’était pas absolument sûre, peut-être avaient-elles été altérées, peut-être étaient-elles perdues[17]; peut-être encore ne contenaient-elles rien qui ne fût déjà dans les lettres que nous avons[18]. - Commentaire de la lettre de saint Paul aux Colossiens

 

La deuxième façon est de considérer que cette lettre n’a pas disparu, sans pour autant être nécessairement celle qui subsiste en latin. Tertullien le premier nous donne une piste en faveur de cette interprétation :

Ecclesiae quidem veritate epistulam istam ad Ephesios habemus emissam, non ad Laodicenos; sed Marcion ei titulum aliquando interpolare gestiit, quasi et in isto diligentissimus explorator. Nihil autem de titulis interest, (…).

La constante tradition de l'Église nous atteste que cette épître est adressée aux habitants d'Éphèse, et non à ceux de Laodicée. Marcion néanmoins a essayé d'en changer l'inscription primitive, habile investigateur dans ce genre. Mais qu'importent les titres?[19]

Ainsi donc Marcion connaissait cette épître aux Laodicéens, et, nous est-il dit, avait décidé que cette lettre  n’était pas perdue mais était en fait celle que nous connaissons aujourd’hui sous le nom d’Éphésiens[20].

 

Cette hypothèse a eu un grand succès, si bien qu’elle est aujourd’hui communément admise par une majorité de spécialistes.  Pour des raisons pratiques, nous ne nous attarderons pas sur une variante de cette hypothèse qui voudrait que la lettre aux Laodicéens ne soit pas celle aux Éphésiens (changement de titre seulement), mais une copie séparée, ce qui est plausible et se comprend fort bien[21].

 

Toutefois, avant d’aborder ce problème, constatons que même si l’on acceptait l’épître aux Éphésiens comme étant originellement adresée aux Laodicéens, on n’expliquerait pas de manière satisfaisante la mention relevée dans le Canon Muratorianus, selon laquelle la lettre aux Laodicéens est une forgerie destinée à soutenir les thèses marcionites !

 

Pour aborder le problème des destinataires d’Éphésiens en toute sérénité, il faudra donc s’abstenir d’oublier :

-          que le vide laissé par l’indication de Col. 4 :16 provoquait la tentation de combler un vide inexplicable (la pratique d’attribuer un écrit à une autorité vivante ou non était courante, cf note 10)[22]

-          que cette forgerie a eu lieu et qu’elle était primitivement d’origine marcionite

-          et que la forgerie qui nous est parvenue n’est sûrement pas la forgerie marcionite, pas plus qu’Éphésiens( !).

 

Et Ehrman de proposer la solution la plus séduisante :

 

One solution is that it is an anti-Macionite production – not in the sense that it attacks Marcionite view head on, but in the sense that it was produced by a proto-orthodox author as the letter of Paul to the Laodiceans, so as to show that the Marcionite forgery, which was in circulation, but which no longer survives for us today, was not the letter[23].

 

  • À qui était adressée l’épître appelée ajourd’hui “aux Éphésiens” ?

 

Les tenants de la thèse selon laquelle Éphésiens était en fait destinée aux Laodicéens avancent des arguments de trois types[24] :

 

1) Le titre et l’adresse sont douteux

2) Paul semble ne pas connaître les destinataires de son épître, qui sont pagno-chrétiens

3) L’épître semble composée dans la même lancée que Colossiens


1) Le titre et l’adresse sont douteux

Nous en trouvons une illustration parlante dans le manuel Vaganay/Amphoux, que nous restituons ainsi [25] :

  • î 46 (c. 200): Eph 1 :1-4a

Transcription :

1- pau=loj a)po/stoloj xru ihu dia\ qelh/matoj qu toi=j a(gi/oij ou)=sin kai\ pistoi=j e)n xrw ihu

 

2- xa/rij u(mi=n kai\ ei)rh/nh a)po\ qu prj h(mw=n kai\ ku ihu xru.

 

 

 

Dans le texte critique de Nestle-Aland, la mention e)n e)fe/sw| [à Éphèse] est entre crochets pour indiquer qu’elle n’est pas attestée par les meilleurs manuscrits, comme c’est le cas dans î 46. D’où provient-elle ?

 

  • Codex Sinaïticus (milieu IVe) : Eph 1 :1-3

Le Codex Sinaïticus (a) nous en fournit la réponse : cette addition, « à Éphèse » est issue d’une note marginale, indiquée en retrait à gauche, ligne 4, et qui avait  pour seul but de donner une précision.

 

 

 

 

  • Codex Vaticanus (IVe): Eph 1 :1-2

À la troisième ligne nous observons que ce qui est à l’origine une note marginale commence à faire corps dans le texte même.

 

De manière beaucoup plus claire encore, le Codex Alexandrinus (Ve) inclut cette mention « à Ephèse » cette fois-ci sans doute possible.

 

 

Les titres, on le sait, ont été apposés ultérieurement. L’adresse de la lettre, en revanche, faisait partie du corps de la lettre, et l’exemple que nous venons de mentionner montre clairement qu’une corruption est tout à fait envisageable.

D’ailleurs le texte tel qu’attesté par î 46  est tout à fait compréhensible :

 

Pau/loj avpo,stoloj Cristou/ VIhsou/ dia. qelh,matoj qeou/ toi/j a`gi,oij ou=sin kai. pistoi/j evn Cristw/| VIhsou/

 

Bien que curieuse, la construction fait sens : à ceux qui sont saints et fidèles en Christ Jésus. L’épître est donc catholique, i.e. universelle, en ce qu’elle s’adresse à toutes les communautés d’Asie Mineure. Le participe ou=sin, il est vrai, est redondant. Mais on a d’autres exemples (Rom. 13 :1 : ai` de. ou=sai ou Ac 5 :17 : h` ou=sa ai[resij)[26]

 

Certaines versions modernes prennent d’ailleurs le parti d’ignorer le mention douteuse :

 

- « Paul, apôtre du Christ Jésus par la volonté de Dieu, aux saints et aux fidèles dans le Christ Jésus » - Maredsous[27]

- « Paul, apôtre de Christ Jésus par la volonté de Dieu, aux saints et fidèles en Christ Jésus » - O&T[28]

 

 

2) Paul semble ne pas connaître les destinataires de son épître, qui sont pagno-chrétiens

Paul était passé par Éphèse une première fois à l’occasion de son deuxième voyage missionnaire (Ac 18 :18-21). Il n’y resta pas, laissant à Aquila et Priscille le soin de développer l’œuvre d’évangélisation.

 

Quand il y revint au cours de son troisième voyage, il y demeura trois ans (Ac. 19 :8-10, 20 :31) période durant laquelle il s’investit pleinement dans l’édification des communautés.

 

L’apôtre passa à Éphèse en allant de Corinthe à Antioche, en 52. Il y revint par voie de terre, vers la fin de 54, pour y rester jusqu’au printemps de 57 (…). Il travailla d’abord parmi les Juifs, très nombreux (Ac 18:19 et suivant 19:8), puis parmi les païens; il se fit des amis même chez les Asiarques {Ac 19:31}, les magistrats qui présidaient aux jeux sacrés. Il dut quitter la ville à la suite de l’émeute fomentée par Démétrius {Ac 19:23 et suivants}. Le travail de Paul à Éphèse fut considérable {Ac 20:19-21}, comme aussi son succès {1Co 16:9}. Mais il eut également de graves difficultés; il est même probable qu’il fut emprisonné, et sous la menace de l’atroce condamnation ad bestias {1Co 15:32}. Une tradition locale, d’ailleurs peu sûre, désignait sa prison; le prologue marcionite de Col mentionne un emprisonnement de l’apôtre à Éphèse. Paul y a peut-être eu également une grave maladie {2Co 1:8, voir 2 Corinthiens, I, préamb.}. Ces épreuves expliquent partiellement l’évolution de son eschatologie et la belle expérience mystique de vie exprimée dans 2Co 4:18-5:1. Paul coupa son séjour à Éphèse par un voyage à Corinthe (voir 1 Corinthiens, III) – Westphal, Dictionnaire, p.348

 

 

Ce qui est donc troublant, c’est de lire en Éph. 1 :15 :

 

Dia. tou/to kavgw. avkou,saj th.n kaqV u`ma/j pi,stin evn tw/| kuri,w| VIhsou/ kai. th.n avga,phn th.n eivj pa,ntaj tou.j a`gi,ouj

 

C’est pourquoi moi aussi, ayant entendu [parler] de votre foi[29] en le Seigneur Jésus, et de l’amour que [vous avez] pour tous les saints…

 

Ici Paul donne l’impression de ne pas connaître les destinataires de son épître, ce qui est peu compatible avec ce que nous venons de voir de son activité à Éphèse. Toutefois cela pourrait se comprendre si Paul ne les a pas vu de longue date[30].

 

De même en Éph. 3 :1, 2

 

Tou,tou ca,rin evgw. Pau/loj o` de,smioj tou/ Cristou/ ÎVIhsou/– u`pe.r u`mw/n tw/n evqnw/n &ei; ge hvkou,sate th.n oivkonomi,an th/j ca,ritoj tou/ qeou/ th/j doqei,shj moi eivj u`ma/j(

 

Pour cette raison, moi Paul, le prisonnier de Christ [Jésus pour vous [gens] des nations[31] – si du moins vous avez entendu  [parler de l’économie[32] de la faveur de Dieu qui m’a été donnée pour vous

 

Il est bien évident que les membres de l’ekklésia d’Éphèse ne sauraient douter de la mission divine de Paul ! Le texte au contraire laisse entendre que ses destinataires ne sont pas obligatoirement convaincus de sa légitimité « si du moins », ei; ge). C’est la conclusion à laquelle arrive le comité de la Bible du Semeur [33]:

 

Ces paroles prouvent que la lettre ne s’adressait pas à la seule Eglise d’Ephèse. Paul, en effet, avait séjourné pendant trois ans à Ephèse (Ac 20.31). Les Éphésiens n’ignoraient donc pas la responsabilité que Dieu avait confiée à Paul.

 

Mais là encore, des réserves s’imposent, car la particule enclitique ge a force d’emphase, non de concession. On peut avoir affaire à une tournure oratoire qui n’est pas sans exemples (les quatre autres occ. de ei; ge 2 Co 5:3; Gal 3:4; Eph 4:21; Col 1:23, particulièrement Gal., font comprendre le sens de cette tournure ). Elle serait mieux traduite par « sachant que », « et certainement »[34].

 

Procédé rhétorique ou non, cette remarque ne lasse pas de surprendre, car Paul devait intimement connaître les membres de l’ekklésia éphésienne : il est un peu incongru qu’il leur prête cette espèce de doute (ei; au lieu de o[ti), tout de même, sur sa mission.

 

Qui plus est la sécheresse de données concrètes sur l’œuvre réalisée à Éphèse établit un contraste saisissant avec les mentions précises (concernant la localité même, et son ministère) que l’on trouve dans les lettres aux Corinthiens, aux Romains, aux Galates et aux Philippiens. Dans la lettre adressée à Rome, par exemple, il mentionne par leur nom pas moins de 26 personens ! Dans Éphésiens, il n’y aucune référence personnelle. Il n’évoque même les trois années de son séjour, qui avaient créé des liens très fort (Ac 20 :37). On voit mal Paul avare en affections fraternelles : il n’est pas économe en ce domaine-là !

 

D’autre part la lecture d’Éph. 2 :11-12 appelle d’autres considérations.

 

Dio. mnhmoneu,ete o[ti pote. u`mei/j ta. e;qnh evn sarki,( oi` lego,menoi avkrobusti,a u`po. th/j legome,nhj peritomh/j evn sarki. ceiropoih,tou( o[ti h=te tw/| kairw/| evkei,nw| cwri.j Cristou/( avphllotriwme,noi th/j politei,aj tou/ VIsrah.l kai. xe,noi tw/n diaqhkw/n th/j evpaggeli,aj( evlpi,da mh. e;contej kai. a;qeoi evn tw/| ko,smw|Å

 

Aussi souvenez-vous que vous [étiez] tantôt les Nations[35] dans la chair, appelés incirconcis par celle qu’on appelle la Circoncision (faite dans la chair par la main de l’homme) car vous étiez à ce moment-là sans Christ, séparés de la cité d’Israël et étrangers aux alliances de la Promesse, n’ayant pas d’espérance, privés du droit de cité en Israël, et sans Dieu dans le monde.

 

Ceci implique que l’ekklésia d’Éphèse était d’origine Gentile.

 

Bien qu’il y ait eu effectivement des païens à Éphèse, les Juifs, d’après le témoignage de Flavius Josèphe[36], y étaient très nombreux, et avaient même acquis droit de cité. Et c’est aux Juifs que Paul s’adresse en premier lieu, comme nous le montre le chapitre 18 d’Actes. Quand plus tard il y revient, c’est à nouveau aux Juifs qu’il s’adresse (Ac 19).

 

Deux passages laissent donc entendre clairement que le public de Paul était plutôt pagno-chrétien (Eph 2 :11, sans oublier 3 :1) et d’ailleurs le style général, universel, plaide en ce sens (par ex. des ‘nous’ qui se réfèrent aux Chrétiens dans leur ensemble).

 

On peut résumer en citant Andreas Dettwiler :

 

« Ép est une lettre, car elle comprend un cadre épistolaire bien défini (adresse et salutation, bénédiction et action de grâce ; corps de la lettre ; partie finale). Pourtant, Ép n’est pas un écrit de circonstance au sens strict. Elle n’atteste pas de relation spécifique entre Paul et une ou plusieurs communautés chrétiennes locales : pratiquement aucune information concrète ne nous est livrée sur les destinataires de la lettre, à l’exception du fait qu’ils étaient pagano-chrétiens (2,11) ; les informations épistolaires à la fin de l’écrit sont réduites à un minimum absolu ; il n’y a pas de liste de salutations. En outre, il est difficile de détecter des problèmes spécifiques qui auraient nécessité l’intervention de l’apôtre. »[37]

 

3) L’épître semble composée dans la même lancée que Colossiens

Il se peut bien que Éphésiens ait été une épître jumelle à celle aux Colossiens, écrite au même moment, et transportée par la même personne : Tychique (associé à Onésime pour la première, Col. 4 :7-9 et Eph. 6 :20.21. Paul nous le dit lui-même et la proximité littéraire d’Éphésiens vis-à-vis de Colossiens a été signalée plus haut (cf. note 17), proximité qui démontre qu’elle ont été écrites dans la même lancée : c’est-à-dire par le même homme à un même moment donné. Pour s’en convaincre, il suffit de comparer[38] :

 

Eph 1 :1 // Col 1 :1                                               Eph 1:19s // Col 2:12

Eph 6 :21b.22 // Col 4 :7.8                                   Eph 2:20 et 3:17 // Col 2:7

Eph 1:15s  // Col 1:4.9                                         Eph 3:2ss // Col 1:24ss

Eph 1:7.20 // Col 1:14.20                                     Eph 4:16 // Col 2:19

 

Tant de parallèles donnent à penser qu’Éphésiens est « une ‘nouvelle édition’ augmentée et fondamentalement remaniée

de Col. »[39]  C’est ici qu’il faut rappeler la mention Col. 4 :16 :

 

quand cette lettre aura été lue chez vous,

                faites en sorte qu’elle soit aussi lue dans l’ekklésia des Laodicéens,

                et de même celle de Laodicée, qu’elle soit lue chez vous

 

Fig. 2 L’Asie Mineure au Ier siècle

 

 

Tychique était donc porteur de la lettre aux Colossiens (Col. 4 :7-9), et d’une lettre dont l’adresse est douteuse, qu’on appelle aujourd’hui aux Éphésiens (Eph. 6 :20.21). La mention de Col. 4 :16 paraîtrait beaucoup plus logique et raisonnable si on se souvient que la distance qui sépare Colosses de Laodicée n’excède pas la quinzaine de kilomètres.

 

 

 

On peut ainsi émettre l’hypothèse suivante[40] : le nom des destinataires de la lettre aux Éphésiens n’a pas été écrit de la main de l’apôtre Paul, mais a été laissé en blanc. La lettre était destinée à parcourir plusieurs communautés d’Asie, et Tychique en remettait une copie à chacune en y inscrivant le lieu de la localité.

 

Première objection : alors pourquoi un grand nombre de manuscrits attestent-ils la mention ‘à Éphèse’ ?[41]

 

Tychique était originaire d’Asie (Ac 20 :4). C’est peut-être à Éphèse que s’est achevée sa tournée (après sa mission à Colosses, Paul l’envoie à Éphèse, 2 Ti 4 :12)[42]. De plus, que Paul n’ait pas envoyé de lettre à une communauté aussi importante qu’Éphèse, alors qu’il y avait séjourné et fondé des communautés, ne manquait pas de surprendre. Pis, Laodicée n’avait pas la meilleure réputation : la Révélation de Jean lui attribuait une activité ‘tiède’, et un sévère jugement de la part de Jésus (Rév. 3 :14-19). Qu’une lettre lui soit attribuée pouvait déranger.

 

Au moment de la fixation du canon par la tradition (fin du Ier, début du IIe siècle) et lors des grandes recensions qui ont suivi (IIe – IIIe siècles) il est parfaitement logique qu’on ait gommé les variantes et préféré la mention ‘à Éphèse’.

 

Comme l’a bien démontré Bart Ehrman (The Orthodox Corruption of Scriptures), les vainqueurs écrivent l’histoire : on ne se souvient finalement que de celui qui a eu le dernier mot. Ainsi en va-t-il de la transmission des manuscrits : qu’une majorité aujourd’hui porte ‘à Éphèse’ n’est pas le plus sûr garant que le manuscrit autographe ait porté ce titre[43]. En revanche c’est un garant de sa stricte orthodoxie avec la pensée du parti qui a, par rapport aux autres, imposé ses conceptions...

 

Deuxième objection : les Pères citent la lettre en question, et la connaissent sous l’attribution aux Éphésiens.

 

Si on s’en tient aux citations des Pères apostoliques ainsi qu’à la Didachê, elles ne sont pas vraiment convaincantes. Les voici quasi exhaustivement :

 

-          Didachê 4 :11 évoque une idée d’Éph.6 :5, sans similitude probande ni citation formelle

-          Ignace aux Éphésiens 1 :1 (mimhtai. o;ntej qeou/) semble se référer à Éph. 5 :1 (Gi,nesqe ou=n mimhtai. tou/ qeou/) par l’expression « imitateurs de Dieu » mais les expressions ne sont pas identiques, et là encore la citation n’est pas formelle. L’expression peut d’ailleurs être une habitude de langage, car elle est reprise dans l’épître aux Tralliens (1 :2). En 12 :1, Ignace indique ‘vous avez été initiés aux mystères par Paul, cet homme saint, éprouvé, bienheureux’ et d’aucuns distinguent une allusion à Éph. 1 :9 (Quéré, Marguerat), mais c’est abusif, et le séjour de Paul suffit à expliquer la mention.

-          Polycarpe aux Philippiens 1 :2 évoque assez précisément la lettre de Paul aux Philippiens, ce qui n’est pas le cas d’Ignace dans sa lettre aux Éphésiens. De même il cite très précisément 1 Co 6 :2 en Pol.2Ph11 :2[44]. Or, en 1 :3 (ca,riti, evste seswsme,noi) il fait allusion à Éph 2 :5.8 ( ca,riti, evste sesw|sme,noi) mais sans préciser l’origine de l’expression. Idem en 12 :1 : ut his scripturis dictum est, irascimini et nolite peccare, et sol non occidat super iracundiam vestram, i.e. comme il est dit dans ce passage : mettez-vous en colère mais ne péchez pas, et que le soleil ne se couche pas sur votre colère et qu’on peut rapprocher d’Éph. 4 :26 : ovrgi,zesqe kai. mh. a`marta,nete\ o` h[lioj mh. evpidue,tw evpi. Îtw/|– parorgismw/| u`mw/n, passage qui lui-même une citation de Ps 4 :4 (ou 4 :5). Pour le coup, la citation est précise, mais non formelle, et introduite par un vague ut his scripturis dictum est.

 

De manière générale, sans être sûres, les éditions des écrits des Pères apostoliques montrent que ceux-ci, bien que familiarisés relativement avec les écrits du Nouveau Testament (tout comme avec certains apocryphes ou logia inconnus qu’ils citent ou évoquent avec la même autorité cf par ex. Ig Smyr.3 :2), se contentent quasi exclusivement d’évocations.  Même quand la citations est exacte, elle n’est pas introduite de manière utile. De plus, aucune mention ne permet de déceler la connaissance par Ignace, Polycarpe, Hermas, Papias, l’auteur de la Didachê d’une lettre de Paul adressée aux Éphésiens. Le contenu, certes, semble connu. Mais le doute sur l’adresse est loin d’être levé.

 

Les Pères latins nous donnent moins d’embarras. A titre d’exemples :

 

-          Irénée, Adv. Haer. 5.2,3; 1.8,5

-          Clément d’Alexandrie, Stromates,  4 ; Le Pédagogue,  1.8

-          Origène, Contra Celsum,  4,211[45]

 

sont des passages qui fournissent des citations précises. Qui plus est le problème est connu de de Tertullien, qui y revient plusieurs fois, et donne clairement son avis : Contra Marcionem 17 :1: “Nous savons de la véritable tradition de l’Eglise que cette épître a été envoyée aux Éphésiens, et non pas aux Laodicéens. ».

 

Cependant ces témoignages sont plus tardifs, et il est évident qu’ils se basent sur une tradition qui portait effectivement ‘à Éphèse’. Cela prouve que la lettre de Paul a aussi transité par Éphèse. Et nous pensons que ce fut sa destination finale, qui connut la plus grande fortune pour les raisons déjà invoquées [réputation de Laodicée, importance d’Éphèse, passage de Tychique à Éphèse à une époque ultérieure à son passage à Colosses/Laodicée (60) au moment de la rédaction de 1 Timothée, et vraisemblablement présence de plus nombreux copistes]. Mais cela ne prouve pas qu’Éphèse n’était pas l’une des destinations parmi d’autres ! Bien au contraire, la relative abondance de l’adscriptio ‘à Éphèse’ prouve la préférence qu’on en avait par rapport à d’autres localités de moindre importance. Cela n’enlève rien au poids des considérations mentionnées plus haut,en particulier le trajet de Tychique à Colosses/Laodicée, et la proximité de Colossiens/Éphésiens.

 

 

Admettre que la la lettre aujourd’hui connue sous le titre aux Éphésiens est en fait la lettre aux Laodicéens ne semble pas incongru, et aplanit même certaines difficultés internes. Ce n’est pourtant qu’une hypothèse, qui, nous l’avons vu, comporte certaines failles.

 

Elle a le mérite d’expliquer parfaitement Col. 4 :16, d’éclairer certaines anomalies d’Eph. (qui sont bien réelles !), et n’est pas, comme on le prétend, une pratique étrangère à l’époque en question (cf. 1 Th 5 :27, Paul admoneste l’échange et la lecture de ses lettres ; de manière générale, les auteurs chrétiens anciens envisagent la copie et l’échange de leur document : cf.Martyre de Polycarpe 22 :2 + app., Actes de Pilate, prologue).

 

Voilà donc éclaircie la mention de Col. 4 :16, et levé le problème textuel d’Éph 1 :1, mais nous n’avons toujours pas d’explication satisfaisante pour les questions suivantes :

 

-          qu’est-il advenu de la forgerie marcionite évoquée par le Fragment de Muratori ? S’agit-il de l’apocryphe latin tardif ? d’un autre document aujourd’hui perdu ? cette mention même du Fragment de Muratori est-elle digne de confiance ?

-          l’apocryphe latin est-il au contraire une forgerie tardive précisément destinée à combler le vide de Col. 4 :16 ? ou n’a-t-elle que pour seule intention de se poser en opposition à la forgerie marcionite en se prétendant l’originale ?

 

Ces questions, dont nous avons esquissé quelques réponses possibles, restent ouvertes, et par leur réponse et ses implications, elles conditionnent d’autres développements intéressant de près l’histoire du Canon du Nouveau Testament.


 

Epistola ad Laodicenses

Recension courte

 

1 Paulus apostolus non ab hominibus neque per hominem sed per Iesum Christum, fratribus qui sunt Laodiciae. 2 gratia vobis et pax a Deo Patre et Domino Iesu Christo. 3 gratias ago Christo per omnem orationem meam, quod permanentes estis in eo et perseverantes in operibus eius, promissum expectantes in diem iudicii. 4 neque destituant vos quorundam[46] vaniloquia insinuantium, ut vos evertant a veritate evangelii quod a me praedicatur[47]. 5 et nunc faciet Deus, ut qui sunt ex me ad profectum veritatis evangelii deservientes[48] et facientes benignitatem[49] operum quae salutis vitae aeternae 6 et nunc palam[50] sunt vincula[51] mea quae patior in Christo; quibus laetor et gaudeo. 7 et hoc mihi est ad salutem perpetuam; quod ipsum factum orationibus vestris et administrantem Spiritum Sanctum, sive per vitam sive per mortem. 8 est enim mihi vere vita in Christo et mori gaudium. 9 et in ipsum in vobis faciet misericordiam suam, ut eandem dilectionem[52] habeatis et sitis unianimes[53]. 10 ergo, dilectissimi, ut audistis praesentia mei, ita retinete et facite in timore Dei, et erit vobis vita in aeternum; 11 est enim Deus qui operatur in vos. 12 et facite sine retractu quaecumque facitis. 13 et quod est, dilectissimi, gaudete in Christo et praecavete sordidos[54] in lucro. 14 omnes sint petitiones vestrae palam apud Deum et estote firmi in sensu Christi. 15 et quae integra et vera et pudica et iusta et amabilia facite. 16 et quae audistis et accepistis, in corde retinete, et erit vobis pax. 17 salutate omnes fratres. 18 salutant vos sancti[55]. 19 gratia Domini Iesu cum spiritu vestro. 20 et facite legi Colosensium vobis.


Traduction

 

1 Paul, un apôtre, non de la part des hommes ni par un homme, mais par Jésus Christ, aux frères qui sont à Laodicée. 2 À vous faveur et paix de Dieu le Père et du Seigneur Jésus Christ ! 3 Je remercie[56] Christ dans toutes mes prières[57], car vous continuez en lui et persévérez dans ses oeuvres, dans l’attente de sa promesse[58] au jour du jugement. 4 Or, que les vains discours[59] qui s’insinuent  de la part quelques-uns ne vous égarent pas, et ne vous éloignent de la vérité de la Bonne Nouvelle que je vous ai prêchée[60] ! 5 Maintenant, puisse Dieu faire que ceux qui sont selon moi se dévouent au progrès de la Bonne Nouvelle et à la bonté, œuvres qui sont celles du salut, de la vie éternelle. 6 Ils sont maintenant clairement manifestes, les liens que je souffre pour Christ, et desquels je me réjouis vraiment.[61] 7 Pour moi, cela débouche sur le salut éternel, grâce aussi à vos prières et à l’œuvre du Saint Esprit[62], que ce soit pour la vie ou pour la mort[63]. 8 Pour moi, réellement, vivre est en Christ, et mourir une joie[64]. 9 Puisse-t-il aussi vous faire miséricorde, pour que vous ayez le même amour et la même pensée[65]. 10 Aussi, bien-aimés, comme vous l’avez entendu quand j’étais présent, ainsi tenez ferme et servez dans la crainte de Dieu[66], et cela signifiera pour vous vie éternelle. 11 Car c’est Dieu qui à l’œuvre en vous[67]. 12 Quoique vous fassiez, faites le résolument[68]. 13 Enfin, bien-aimés, réjouissez-vous en Christ[69] et méfiez-vous de ceux qui sont riches de manière impure ![70] 14 Que toutes vos suppliques[71] devant Dieu soient faites ouvertement, et soyez solides dans l’esprit du Christ[72]. 15 Les choses qui sont saines, vraies, vertueuses, justes, et aimables, celles-là pratiquez-les[73] ! 16 Ce que vous avez entendu et accepté, gardez-le dans votre cœur, et vous serez paisibles[74]. 17 Saluez tous les frères. 18 Les saints vous saluent[75]. 19 Que la faveur du Seigneur Jésus soit avec votre esprit ![76] 20 Faites que la lettre aux Colossiens vous soit lue[77].


 

 

Rétroversion en grec (Lightfoot) [78]

Recension courte

 

 

pros laodikeas

 

paulos apostolos ouk ap anqrwpon oude dia anqrwpou alla dia ihsou xristou tois adelfoi tois ousin en laodikeia xaris umin kai eirhnh apo qeou patros kai kuriou ihsou xristou euxaristw tw xw en pash dehsei mou oti este en autw menontes kai proskarterountes tois ergois autou apekdexomenoi thn epaggelian eis hmeran  krisews mhde umas ecapathswsin mataiologiai tinwn didaskontwn ina apostreywsin umas apo ths alhqeias tou euaggeliou tou euaggelisqentos upemou kai nun poihsei o qeos ina ta ec emou eis prokophn ths alhqeias tou euaggeliou latreuountes kai poioutes xrhstothta ergwn twn ths swthrias kai ths aiwniou zwhs kai nun faneroi oi desmoi mou ous upomenw en xristw en ois xairw kai agalliwmai kai touto estin moi eis swthrian ana idion o kai apebh dia ths umwn dehsews kai epixorhgias pneumatos agiou ei te dia zwhs ei te dia qanatou emoi gar to zhn en xristw kai to apodanein xara kai to auto poihsei kai en umin dia tou eleous autou ina thn authn agaphn exhte sumyuxoi ontes wste agaphtoi kaqws uphkousate en th parousia mou outws mnhmoneuontes meta fobou qeou ergazesqe kai estai umin zwh eis ton aiwna qeos gar estin o energwn en umin kai poieite xwris dialogismwn o ti ean poihte kai to loipon agaphtoi xairete en xristw blepete de tous aisxrokerdeis panta aithmata umwn gnwrizesqw pros ton qeon kai edraioi ginesqe en tw noi tou xristou osa te oloklhra kai alhqh kai semna kai diakaia kai prosfilh tauta prassete a kai hkousate kai parelabete en  th kardia krateite kai h eirhnh estai mequmwn aspazontai umas oi agioi h karis tou kuriou ihsou xristou meta tou pneumatos umwn kai poihsate ina h twn kolossaewn anagnwsqh parumin


 

Epistola ad Laodicenses

Recension longue

 

Paulus, apostolus non ab hominibus, neque per hominem, sed per Jesum Christum, fratribus qui sunt Laodiceae, gratia vobis et pax a Deo Patre nostro, et Domino Jesu Christo. Gratias ago Christo per omnem orationem meam, quod permanentes estis, et perseverantes in operibus bonis, promissionem exspectantes in die judicii. Neque disturbent vos quorumdam vaniloquia insimulantium veritatem, ut vos avertant a veritate Evangelii quod a me praedicatur. Et nunc faciet Deus ut qui sunt ex me, ad perfectum veritatis Evangelii sint deservientes, et benignitatem operum facientes, quae sunt salutis vitae aeternae. Et nunc palam sunt vincula mea quae patior in Christo, in quibus laetor et gaudeo. Et hoc mihi est ad salutem perpetuam quod factum est orationibus vestris, et administrante Spiritu sancto, sive per vitam, sive per mortem. Est enim mihi vivere vita in Christo et mori gaudium. Et ipse in vobis faciet misericordiam suam, ut eamdem dilectionem habeatis et sitis unanimes.

Ergo, dilectissimi, ut audistis praesentiam Domini, ita sensite et facite in timore; et erit vobis vita in aeternum. Est enim Deus qui operatur in vobis ; et facite sine peccato quaecumque facitis, et quod est optimum. Dilectissimi, gaudete in Domino Jesu Christo, et cavete omnes sordes in omni lucro. Omnes petitiones vestrae sint palam apud Deum. Estote firmi in sensu Christi, et quae integra, vera, et pudica, et casta, et justa, et amabilia sunt, facite ; et quae audistis et accepistis in corde retinete, et erit vobis pax. Salutant vos omnes sancti. Gratia Domini nostri Jesu Christi cum spiritu vestro. Amen. Et hanc facite legi Colossensibus, et eam quae est Colossensium, vobis.

 


 

 

 

Traduction (Migne)

 

 

« Paul, apôtre, non de la part des hommes, ni par un homme, mais par Jésus-Christ, aux frères qui sont à Laodicée. Que la grâce et la paix vous soient données par Dieu notre Père, et par Notre-Seigneur Jésus-Christ. Je rends grâces à Dieu dans toutes mes prières de ce que vous êtes fermes et persévérants dans les bonnes œuvres, attendant la promesse de Dieu au jour du jugement. Ne vous laissez point ébranler par les vains discours de ceux qui accusent la vérité, pour vous faire quitter la vérité de l’Évangile que j’ai prêché. J’espère que Dieu fera en sorte que mes disciples demeurent attachés à la perfection de la vérité évangélique, et dans la pratique des bonnes œuvres, qui leur mériteront la vie éternelle. Les liens que je porte pour Jésus-Christ sont connus de tout le monde : je m’en réjouis et je m’y plais ; et cela servira pour moi de salut éternel, par le moyen de vos prières, et par le secours du Saint-Esprit, soit pour la vie ou pour la mort. Ma vie est en Jésus-Christ, et ma mort est ma joie. Il vous accordera par sa miséricorde que vous soyez toujours unis par une charité parfaite.

Ainsi, mes très-chers frères, comme vous avez appris que le Seigneur doit venir, demeurez dans les mêmes sentiments, et conduisez-vous dans sa crainte, et vous aurez la vie éternelle ; car c’est Dieu qui est à l’œuvre en vous ; faites donc tout ce que vous faites sans péché, et pratiquez toujours ce qui est plus parfait. Mes très chers frères, réjouissez-vous en Notre Seigneur Jésus-Christ, et évitez tout gain sordide. Adressez à Dieu toutes vos demandes. Demeurez fermes dans les sentiments que vous avez de Jésus-Christ, et pratiquez toujours ce qu’il y a de plus parfait, de plus vrai, de plus pur, de plus juste et de plus aimable. Retenez dans votre cœur ce que vous avez appris, et vous jouirez de la paix. Tous les saints vous saluent. Que la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ soit avec votre esprit. Ainsi soit-il. Faites lire celle-ci aux Colossiens, et lisez celle qui est adressée aux Colossiens. »

 


 

 

 

 

Traduction anglaise (James)

Recension longue

 

1 Paul, an apostle not of men nor by man, but by Jesus Christ, unto the brethren that are at aodicea. 2 Grace be unto you and peace from God the Father and the Lord Jesus Christ. 3 I give thanks unto Christ in all my prayers, that ye continue in him and persevere in his works, looking for the promise at the day of judgement. 4 Neither do the vain talkings of some overset you, which creep in, that they may turn you away from the truth of the Gospel which is preached by me. 5 And now shall God cause that they that are of me shall continue ministering unto the increase of the truth of the Gospel and accomplishing goodness, and the work of salvation, even eternal life. 6 And now are my bonds seen of all men, which I suffer in Christ, wherein I rejoice and am glad. 7 And unto me this is for everlasting salvation, which also is brought about by your prayers, and the ministry of the Holy Ghost, whether by life or by death. 8 For verily to me life is in Christ, and to die is joy. 9 And unto him (or And also) shall he work his mercy in you that ye may have the same love, and be of one mind. 10 Therefore, dearly beloved, as ye have heard in my presence so hold fast and work in the fear of God, and it shall be unto you for life eternal. 11 For it is God that worketh in you. 12 And do ye without afterthought whatsoever ye do. 13 And for the rest, dearly beloved, rejoice in Christ, and beware of them that are filthy in lucre. 14 Let all your petitions be made openly before God, and be ye steadfast in the mind of Christ. 15 And what things are sound and true and sober and just and to be loved, do ye. 16 And what ye have heard and received, keep fast in your heart. 17 And peace shall be unto you. 18 The saints salute you. 19 The grace of the Lord Jesus be with your spirit. 20 And cause this epistle to be read unto them of Colossae, and the epistle of the Colossians to be read unto you.


Version internlinéaire latin / grec ancien

Cette version permet comprendre que l’apocryphe a été rédigé initialement en grec tant on retrouve, sous les mots latins, des expressions bien connues de l’apôtre Paul.

 

1 Paulus apostolus non ab hominibus neque per hominem sed per Iesum Christum, fratribus qui sunt

paulos apostolos ouk ap anqrwpon oude dia anqrwpou alla dia ihsou xristou tois adelfoi tois ousin

Laodiciae. 2 gratia vobis et pax a Deo Patre et Domino Iesu Christo. 3 gratias ago Christo per omnem

laodikeia xaris umin kai eirhnh apo qeou patros kai kuriou ihsou xristou euxaristw tw xristw en pash

orationem meam, quod permanentes estis in eo et perseverantes in operibus eius, promissum expectantes in

dehsei mou oti este en autw menontes kai proskarterountes tois ergois autou apekdexomenoi thn epaggelian eis

diem iudicii. 4 neque destituant vos quorundam  vaniloquia insinuantium, ut vos evertant a veritate

hmeran  krisews mhde umas ecapathswsin mataiologiai tinwn didaskontwn ina apostreywsin umas apo ths alhqeias tou euaggeliou

evangelii quod a me praedicatur . 5 et nunc faciet Deus, ut qui sunt ex me ad profectum veritatis evangelii

tou euaggelisqentos upemou kai nun poihsei o qeos ina ta ec emou eis prokophn ths alhqeias tou euaggeliou

deservientes  et facientes benignitatem  operum quae salutis vitae aeternae 6 et nunc palam  sunt vincula 

latreuountes kai poioutes xrhstothta ergwn twn ths swthrias kai ths aiwniou zwhs kai nun faneroi oi desmoi

mea quae patior in Christo; quibus laetor et gaudeo. 7 et hoc mihi est ad salutem perpetuam; quod ipsum

mou ous upomenw en xristw en ois xairw kai agalliwmai kai touto estin moi eis swthrian ana idion o kai apebh

factum orationibus vestris et administrantem Spiritum Sanctum, sive per vitam sive per mortem. 8 est enim

dia ths umwn dehsews kai epixorhgias pneumatos agiou ei te dia zwhs ei te dia qanatou emoi gar

mihi vere vita in Christo et mori gaudium. 9 et in ipsum in vobis faciet misericordiam suam, ut eandem

to zhn en xristw kai to apodanein xara kai to auto poihsei kai en umin dia tou eleous autou ina thn authn

dilectionem  habeatis et sitis unianimes . 10 ergo, dilectissimi, ut audistis praesentia mei, ita retinete et

agaphn exhte sumyuxoi ontes wste agaphtoi kaqws uphkousate en th parousia mou outws mnhmoneuontes

facite in timore Dei, et erit vobis vita in aeternum; 11 est enim Deus qui operatur in vos. 12 et facite sine

meta fobou qeou ergazesqe kai estai umin zwh eis ton aiwna qeos gar estin o energwn en umin kai poieite xwris

retractu quaecumque facitis. 13 et quod est, dilectissimi, gaudete in Christo et praecavete sordidos  in lucro.

dialogismwn o ti ean poihte kai to loipon agaphtoi xairete en xristw blepete de tous aisxrokerdeis

14 omnes sint petitiones vestrae palam apud Deum et estote firmi in sensu Christi. 15 et quae integra et

panta aithmata umwn gnwrizesqw pros ton qeon kai edraioi ginesqe en tw noi tou xristou osa te oloklhra kai

vera et pudica et iusta et amabilia facite. 16 et quae audistis et accepistis, in corde retinete, et erit vobis pax.

alhqh kai semna kai diakaia kai prosfilh tauta prassete a kai hkousate kai parelabete en  th kardia krateite kai h eirhnh estai mequmwn

17 salutate omnes fratres. 18 salutant vos sancti . 19 gratia Domini Iesu cum spiritu vestro. 20 et facite legi

aspazontai umas oi agioi h karis tou kuriou ihsou xristou meta tou pneumatos umwn kai poihsate

Colosensium vobis.

ina h twn kolossaewn anagnwsqh parumin


 

Abréviations

 

ABD                      The Anchor Bible Dictionary

AUV-NT               The New Testament: An Understandable Version, Impact Publications, 1994, William E. Paul

Crampon               La Sainte Bible, traduite par le chanoine. A. Crampon

G                             Dictionnaire latin-français, F. Gaffiot + n° de page

GNB                       The Good News Bible

ISBE                       The International Standard Bible Encyclopedia

ISV                         The International Standard Version

James                     The Apocryphal New Testament, Oxford : Clarendon Press, 1924, M.R. James

JFB                         Jamieson, Fausset, Brown Commentary

LSG                        La Sainte Bible, traduite par Louis Segond, 1910

Maredsous           Le Nouveau Testament, texte ét. et trad. par les moines de Maredsous, éd. Brepols, 1984

Migne                    Dictionnaire archéologique, philologique, chronologique de la Bible, 4e éd., A. Calmet, Migne (éd.)

Moulton-Turner  A Grammar of New Testament Greek, vol. 3, Edimbourg : T. & T. Clark, 1963

NBS                       La Nouvelle Bible Segond, ABU, 2001

O&T                      Le Nouveau Testament, traduction nouvelle par E. Osty et J. Trinquet, éd. Siloé, 1974

PNTF                     Commentaires du Nouveau Testament, Johnson

PV                          Parole Vivante (petit format), Alfred Kuen, Éditeurs de Littérature Biblique, 1976

Simon                    Le Grand Dictionnaire de la Bible, H. Simon, 1693

TMN                      Traduction du Monde Nouveau, éd. 1995, avec notes et références

VWS                      Vincent’s Word Studies

w                            La Tour de Garde



[1] Nous n’aborderons en détails pas la thèse de M.-É. Boismard (La lettre de saint Paul aux Laodicéens : retrouvée et commentée, Paris : Gabalda, 1999), assez audacieuse, et qui a d’autres parallèles possibles dans le Nouveau Testament (par ex. d’après R.E. Brown 1 Co contient deux ou trois lettres différentes, cf. Introduction to the New Testament, Anchor Bible Reference Library, 1997, p.512 ; idem pour 2 Co et Php.), selon laquelle cette lettre aux Laodicéens aurait été incluse par l’éditeur du corpus paulinien dans la lettre aux Colossiens : « En la lisant, on a l’impression de suivre le cours de deux lettres quelque peu parallèles. Nous avons alors pensé à ce qu’écrivait Paul à la fin de sa lettre aux Colossiens : il recommandait aux fidèles de Colosses de lire aussi la lettre qu’il écrivait au même moment aux fidèles de Laodicée, lettre dont nous n’aurions plus aucune trace. Mais cette lettre aux Laodicéens n’aurait-elle pas été fusionnée avec la lettre aux Colossiens par l’éditeur des lettres pauliniennes, ce qui expliquerait les doublets contenus dans cette dernière. C’est pour justifier cette hypothèse que nous avons rédigé le présent volume (…). » (p.7). Plus loin, il précise que « la lettre aux Laodicéens se trouve à l’état de membra disjecta dans la lettre aux Colossiens. » (p.8). Citons quelques passages qu’il appelle doublets : 1 :3-5 // 1 :9-10 ; 1:5b – 6a // 1 :23 ; 1:10-12 // 2 :6-7 ; 3 :17 // 3 :23… Il conclut en affirmant qu’il n’y a aucune raison sérieuse de douter de l’authenticité paulinienne de la lettre aux Laodicéens (lettre de sa captivité à Césarée), tout en émettant des réserves sur l’attribution de Colossiens à Paul… L’hypothèse de Boismard, plausible, n’occulte cependant pas à nos yeux le problème des destinataires d’Éphésiens, qui apporte une solution aussi recevable si ce n’est plus.

[2] Migne, Dictionnaire, vol. III, p.61 ; Simon, Dictionnaire, p.6

[3] Cela peut paraître étonnant, mais les faits indiquent que la pratique existait. Par exemple, 3 Corinthiens, autre écrit apocryphe attribué à Paul, présente (en latin) tant la requête des Corinthiens que la réponse de Paul. « However, while it is grammaticaly possible to interpret Col. 4 :16 in this way, the immediate context requires a different interpetation. The letter is represented as exchangeable with Colossians. Two communities, only a three- or four-hour walk apart on a highway, receive two different letters. The author of Colossians urges its recipients to ensure that each community reads both letters. The word ‘from’ indicates not place of writing but place of access to the letter.” The Anchor Bible Dictionary (ABD), vol. IV, p.232

[4] Et les épîtres suivantes ont été proposées : 1 Timothée, 1 et 2 Thessaloniciens ou Galates…

[5] Lightfoot, J. B. Saint Paul's Epistles to the Colossians and to Philemon. 9e éd. Londres, 1890, p.281-293, démontre qu’elle a d’abord été rédigée en grec, et en fournit une rétroversion.

[6] Lightfoot, op.cit., p. 297.

[7] Moralia in Job 35 :20.

[8] Lat. Legunt quidam et ad Laodicenses Epistolam ; sed ab omnibus exploditur.

[9] Il est un fait que ce fragment nous a été transmis avec de nombreuses fautes d’orthographe et de syntaxe. Aussi notre passage devrait-il se lire : « fertur etiam ad Laodicenses, alia ad Alexandrinos, Pauli nomine fictae ad haeresem Marcionis, et alia plura, quae in catholicam ecclesiam recipi non potest; », cf Daniel J. Theron, Evidence of Tradition:  Selected Source Material for the Study of the History of the Early Church (Grand Rapids, Michigan: Baker Book House, 1958): 106-112 qui en propose une reconstruction intégrale.

[10] Sur cette pratique, qui était répandue, signalons les remarques que formule Philippe Rolland : « Il a existé une Épître aux Laodicéens, un Évangile de Thomas, un Évangile de Philippe, etc., mais ces écrits n'ont pas été reconnus, parce que le patronage des Apôtres était fictif. Mais la diffusion d'écrits pseudonymiques a commencé bien avant le IIe siècle. Déjà du vivant de Paul, ses adversaires ont fait circuler des lettres présentées comme venant de lui, pour répandre des idées contraires à son enseignement (cf. 2 Th 2,1). Le procédé était évidemment mensonger. C'est pourquoi Paul prenait bien soin d'authentifier ses lettres, en les confiant à des messagers dignes de foi, et en écrivant quelques mots de sa propre écriture (2 Th 3,17-18 ; 1 Co 16,21-24 ; Ga 6,11-18 ; Phm 18-19 ; Col 4,18). Paul n'admettait donc pas qu'on utilise son nom pour un écrit qu'il n'avait pas lui-même dicté, et il mettait en garde les chrétiens contre les faux qui étaient diffusés déjà de son vivant. » -  L’origine et la date des évangiles. (emphase ajoutée). Cf une bibliographie sur les lettres deutéropauliniennes dans H. Conzelmann et A. Lindemann, Guide pour l’étude du Nouveau Testament, Labor et Fides, 1999, p.316-317

[11] Voici la traduction qu’en donne J.-D. Kaestli : « Il circule aussi une (lettre) aux Laodicéens, une autre aux Alexandrins, écrites faussement sous le nom de Paul pour (défendre) l’hérésie de Marcion, et beaucoup d’autres écrits qui ne peuvent être reçus dans l’Église catholique », in : art. ‘Histoire du Canon du Nouveau Testament’, Introduction au Nouveau Testament, Labor et Fides, éd. D. Marguerat, 2001, 2e éd. aug., p.472.

[12] Contrairement à ce que soutenait A. von Harnack (Marcion : Das Evangelium vom freden Gott. 2e éd. Leipzig, 1924, p.134-149), mais qui a été démenti depuis.

[13] “To many scholars, however, it is not obvious that the apcryphal Laodiceans contains any of Marcion’s distinctive emplases, even if it does incorporate some of his textual emendations to Paul’s letters, as Harnack claimed. On the other hand, there is no evidence outside the Muratorian Canon of a second apocryphal Laodiceans.” – ABD 231-32 (emphase ajoutée).

[14] Bart D. Ehrman, Lost Scriptures, p. 165

[15] En réalité, il y en a trois. Si on considère que Colossiens est une épître deutéro-paulininenne, et beaucoup de voix s’élèvent aujourd’hui en ce sens, la troisième façon d’expliquer que cette lettre aux Laodicéens n’a tout simplement jamais existé : “The issue has become more complicated in recent years by increasing skepticism concerning the Pauline authorship of Colossians itself. If Colossians was not writtent by Paul, then the only textual evidence in the canonical Pauline writings for a letter of him to Laodicea is removed.” ABD 232

[16] Cela n’explique cependant pas la très grande dépendance littéraire d’Éphésiens vis-à-vis de Colossiens, qui donne l’impression que les redites ne sont pas superflues. Cf. Andreas Dettwiler, art. L’Épître aux Éphésiens, in : Introduction au Nouveau Testament, op.cit., p.279-292

[17] La préservation de l’Epist. ad Laod. aurait pourtant dû être garantie par la mention de Col. 4 :16.

[18] Même idée dans : w90 15/11 p. 26 « La lettre à Laodicée ne fait pas partie de la Bible, peut-être parce qu’elle ne contenait pas de matières utiles pour nous aujourd’hui, ou bien parce qu’elle répétait des idées déjà clairement énoncées dans d’autres lettres canoniques. »

[19] Adversus Marcionem V, 17. Traduction par E.-A. de Genoude, Œuvre de Tertullien, tome 1, 2e éd., Paris : Louis Vivès, 1852. Texte latin : Tertullian : Adversus Marcionem, traduit et édité par Ernest Evans, Oxford University Press 1972. 

[20] Cela d’ailleurs nous est signalé dans nos éditions critiques modernes. NA27 à Eph 1 :1 : « Inscriptio (cf vs 1) : ad Laodicenses Mcion T,E » c’est-à-dire que Marcion intitule cette épître « aux Laodicéens » d’après les citations que nous font Tertullien et Épiphane de son œuvre (Introd.32). De même GNT4 : « 1 {C} evn VEfe,sw| a2 B2 D F G Y (…) // omit î46 a B 6 424c 1739 Marcionacc to Tertullian Origenvid » signale que d’importants manuscrits anciens généralement fiables omettent la mention « à Éphèse », dans les exemplaires qui nous sont parvenus, ou du moins leur première main, et que le Comité d’édition du GNT a eu des difficultés (mention {C} ) pour décider ou non d’inclure le titre, doute qui est apparent dans sa mise entre crochets dans le corps du texte. Cf Metzger, TC532.

[21] Cf par ex. Philippe Rolland, La succession apostolique dans le Nouveau Testament. Il date l’épître en question vers 60 de notre ère.

[22] « No motive for the composition of the apocryphal Laodiceans is apparent other than a desire to complete the Pauline corpus by supplying the letter of Col. 4:16, thereby continuing the production of popular Christian texts in the pseudepigraphical tradition. Its persistence throughout the Middle Ages may be due to its incorporation of a number of doctrinal terms, concepts, and affirmations particularly important to the medieval Church, such as Paul’s divinely appointed apostolate; the persons, though not the title itself, of the Trinity – God the Father, the Lord Jesus Christ and the Holy Spirit; the day of judgment; salvation as eternal life; the mercy of the Christ; rejoicing in suffering; the fear of God; standing firm in faith (…).” ABD, ibid.

[23] Lost Christianities, p.215.

[24] Nous suivrons les motifs exposés dans ISBE. Cette hypothèse est défendue notamment par T.K. Abbott, The Epistles to the Ephesians and to the Colossians (International Critical Commentary), New York : 1919, p.viii, pour qui Eph. serait destinée aux habitants de Laodicéen de Hiérapolis et de Colosses. Même sentiment chez E.F. Scott, The Epistles of Paul to the Colossians, to Philemon and to the Ephesians (Moffatt New Testament Commentary), New York : 1930, p.121-22 : « rien n’est certain excepté que la lettre n’était pas adressée aux Éphésiens. ». En revanche, Andrew T. Lincoln ne partage le même sentiment, cf. World Biblical Commentary, vol.42, Ephesians.

[25] Exemple tiré, avec un ajustement, de l’Initiation à la critique textuelle du Nouveau Testament, L. Vaganay, C.B. Amphoux, 2e éd., éd. du Cerf, 1986, p.88 (cf. en particulier le Codex Alexandrinus).

[26] Cf. Michel Bouttier, L’épître de saint Paul aux Éphésiens, Labor et Fides, 1991, p.53 prend le parti suivant : « comme rien n’emporte la conviction, mieux vaut écouter le vieil adage qui coïncide avec la leçon de P46 : lectio brevior, potior, le plus bref, le plus sûr ! » (p53) .bien que « rien, dans le contenu de la lettre, ne s’oppose à une insertion de l’épître dans le milieu éphésien. » (p.54) ; cf. Moulton-Turner, p.151-152.

[27] La note indique : « Elle fut probablement destinée, dans la pensée de Paul, à plusieurs communautés qui se communiquaient les lettres de l’apôtre. » (p.386) ; le texte antérieur de La Sainte Bible, traduit par les mêmes moines et daté de 1950 portait : « Paul, apôtre de Jésus-Christ par la volonté de Dieu, aux chrétiens d’Éphèse et à ceux qui croient en Jésus-Christ » établissant une destination précise et universelle. L’opinion sur le sujet, on le voit, a évolué d’une édition à l’autre.

[28] Et la note d’indiquer : « De nombreux manuscrits ajoutent fautivement « qui sont à Éphèse » »

[29] lit. ‘la foi qui est parmi vous’. Au sujet de cette expression, Vincent signale : « The Greek phrase is nowhere else used by Paul. Lit., as Rev., the faith which is among you. Expositors endeavor to make a distinction between this and Paul's common phrase h( pi/stij u(mw=n  your faith, but they differ widely, and the distinction is at best doubtful.” - VWS

[30] C’est l’objection courante. Barnes : “But this inference is not conclusive. Paul had been some years absent from Ephesus when this epistle was written. In the difficult communication in those times between distant places, it is not to be supposed that he would hear often from them. Perhaps he had heard nothing after the time when he bade farewell to the elders of Ephesus at Miletus, (Ac 20) until the time here referred to.” Et également : “Not implying that he had only heard of their conversion: an erroneous argument used by some against the address of this Epistle to the Ephesians (see JFB on "Eph 1:1"); but referring to the report he had heard since he was with them, as to their Christian graces” – JFB. “Ce langage serait naturel, si Paul avait quitté Ephèse au printemps de l’année 57 ap-J.C et qu’il ait écrit cette lettre autour de l’année 62, plus de cinq années plus tard. Pendant cette période, il ne pouvait connaître la foi et l’amour des Ephésiens que par ce qu’il en entendait.” - PNTF

[31] Traduit carrément par « non-Juifs » par NBS !

[32] ou ‘gestion’

[33] Même pensée chez A. Kuen (PV 610) : « Ces  paroles prouvent que l’apôtre ne s’adressait pas à  la  seule Eglise d’Ephèse où il avait séjourné pendant trois ans (Actes 20:31). »

[34] Et ainsi ISV, GNB, « Surely you have heard »; AUV-NT, « [I assume]  you have heard » ; TMN, “si vraiment vous avez entendu…” ; Crampon, « puisque vous avez appris », O&T , « Car vous avez sans doute appris »,etc.

[35] ou « des païens » (ta. e;qnh)

[36] Cité dans Barnes.

[37] A. Dettviler, op.cit., p.284

[38] Conzelmann et Lindemann, op.cit., p.326

[39] Ibid.

[40] Cette hypothèse a pris forme dès le XVIIe siècle. Relevant les allusions de Bèze et Grotius, J. Ussher publie Annales Veteris et Novi Testamenti, Londres : Crook, 1650-54 où il expose l’idée d’une épître circulaire comportant un blanc à chaque fois comblé par le messager chargé de la diffuser.

[41] cf. Marguerat, op.cit., p.285

[42] cf par ex. A. Kuen, Parole Vivante : « Comme les mots ‘qui sont’ figurent dans tous les manuscrits, on a supposé que le nom des destinataires était laissé en blanc et que Tychique remettait à chaque Eglise une copie de la lettre en y marquant le nom de la localité. Comme il a, sans doute, commencé et terminé son circuit à Éphèse, l’original a dû rester là, et c’est avec cette suscription que cette lettre est entrée dans le recueil des épîtres de Paul. » (p.604).

[43] On peut rappeler également le débat houleux qui entoure Jean 1 :18 et la controverse sur la lecture ‘fils unique-engendré’ ou ‘dieu unique-engendré’. Les tenants de la dernière forme arguent : lectio brevior, lectio potior et aussi non numerantur sed ponderantur. Mais sur le sujet de la rareté des témoins attestant l’absence de l’adresse ‘à Éphèse’, ces mêmes tenants sont prompts à oublier le ‘ponderantur’ de certains témoins anciens et fiables ! Deux poids, deux mesures. Et l’avis majoritaire n’a pas toujours raison – et même rarement.

[44] La fin du texte de Polycarpe aux Philippiens ne nous est pas parvenu dans le grec original, mais en latin. Or à partir de 10 :1 le texte traduit sur le latin cite plus exactement les Écritures. Cela est un peu douteux.

[45] Voici le détail de notre relevé des citations précises d’Éph. chez les pères anté-nicéens : Iren Advr Haer  5 2:3; 8:1; 14:3; 24:4; Clem Ped 1 5:7; Stro 4 8:3; Tert Contr Marc. 3 5:1; 4 5:1; 5 11:1; 17:1; Sur Resurr 40:1; Repent  8:1; Monog 5:1; Modest 17:1; 18:3; Orig De Princ 3 2:4; 5:4; C. Cels  3:20; Cyp Ep 75:2; Contr Jud 2:27; 3:7f, 11, 13, 41, 70, 72, 117

[46] i.e. quorundam : quorum-dam (pron. gen. masc. pl.): une certaine personne, une certaine chose

[47] Gr. khru,ssetai

[48] gr. latreu,w, « servir, adorer » ; deseruio : « servir avec zèle, se dévouer à, se consacrer à ». G505 ; cf.Ac 26 :7

[49] gr crhsto,thj cf Col 3:12

[50] gr. faneroi

[51] gr. tou.j desmou,j cf Php 1 :13

[52] ‘amour’, G528

[53] adj. masc.pl. uniainmis, i.e. unanimis, i.e. unanimus :  qui a les mêmes sentiments, qui est d’accord – G1625

[54] gr r`uparo,j (ou avka,qartoj )

[55] avspa,zontai u`ma/j oi` a[gioi cf Php 4 :22

[56] ou : « je rends grâces »

[57] per omnem orationem meam : dans tout mon discours, dans tous mes propos, i.e. à chaque instant ; oratio désigne la faculté de parler, le langage ; le propos, les paroles ; de l’orateur : un discours ; plus spécifiquement une oraison, une prière. (G1088) A rapprocher de Philippiens 1 :4 : pa,ntote evn pa,sh| deh,sei mou « sans cesse, dans toutes mes prières », Vg semper in cunctis orationibus meis.

[58] Ou : attendant le résultat de sa promesse

[59] uaniloquia, gr mataiologi,a cf. 1 Timothée 1:6.

[60] Gal 1 :11, 2 :5

[61] laetor et gaudeo : je me réjouis et je suis content ; laetor : dans la Vulgate, cette forme n’apparaît pas dans le Nouveau Testament. On la rencontre sous les formes adjectivales laetus et laetum à quelques reprises (Jb 19 :9, Gen. 46:30; Jg. 19:3; 1 Chr. 29:17; Est. 5:9, 14). En revanche gaudeo traduit normalement cai,rw.

[62] Cf Ph 1 :19 scio enim quia hoc mihi proveniet in salutem per vestram orationem et subministrationem Spiritus Iesu Christi (oi=da ga.r o[ti tou/to, moi avpobh,setai eivj swthri,an dia. th/j u`mw/n deh,sewj kai. evpicorhgi,aj tou/ pneu,matoj VIhsou/ Cristou/) : ‘Car je sais que cela tournera à mon salut, grâce à vos prières et à l'assistance de l'Esprit de Jésus –Christ’ (LSG)

[63] cf Php 1 :20 ei;te dia. zwh/j ei;te dia. qana,tou ,soit par (ma) vie soit par (ma) mort

[64] Php 1 :21 : mihi enim vivere Christus est et mori lucrum, evmoi. ga.r to. zh/n Cristo.j kai. to. avpoqanei/n ke,rdoj

[65] cf Php 2 :2 mplete gaudium meum ut idem sapiatis eandem caritatem habentes unianimes id ipsum sentientes, plhrw,sate, mou th.n cara.n i[na to. auvto. fronh/te th.n auvth.n avga,phn e;contej su,myucoi to. e]n fronou/ntej

[66] cf Php 2 :12 itaque carissimi mei sicut semper oboedistis non ut in praesentia mei tantum sed multo magis nunc in absentia mea cum metu et tremore vestram salutem operamini, {Wste avgaphtoi, mou kaqw.j pa,ntote u`phkou,sate mh. Îw`j– evn th/| parousi,a| mou mo,non avlla. nu/n pollw/| ma/llon evn th/| avpousi,a| mou meta. fo,bou kai. tro,mou th.n e`autw/n swthri,an katerga,zesqe\

[67] cf Php 2 :13 Deus est enim qui operatur in vobis et velle et perficere pro bona voluntate, qeo.j ga,r evstin o` evnergw/n evn u`mi/n kai. to. qe,lein kai. to. evnergei/n u`pe.r th/j euvdoki,aj, car c'est Dieu qui produit en vous le vouloir et le faire, selon son bon plaisir.

[68] sine retractu, lit. sans revenir en arrière (retraho, G1357) ; cf. Php 2 :14 sine murmurationibus et haesitationibus (cwri.j goggusmw/n kai. dialogismw/n)

[69] To. loipo,n( avdelfoi, mou( cai,rete evn kuri,w|Å cf Php 3:1

[70] sordidos in lucro, des misérables en affaires (i.e de ceux qui se procurent une richesse vile) ; cf. Rév. 4 :14- 17 : ‘Écris à l'ange de l'Église de Laodicée: Voici ce que dit l'Amen, le témoin fidèle et véritable, le commencement de la création de Dieu: Je connais tes oeuvres. Je sais que tu n'es ni froid ni bouillant. Puisses-tu être froid ou bouillant ! Ainsi, parce que tu es tiède, et que tu n'es ni froid ni bouillant, je te vomirai de ma bouche. Parce que tu dis: Je suis riche, je me suis enrichi, et je n'ai besoin de rien, et parce que tu ne sais pas que tu es malheureux, misérable, pauvre, aveugle et nu’ (LSG)

[71] petitiones vestrae, ta. aivth,mata u`mw/n cf Php 4 :6

[72] Php 2 :5, Rm 15 :5

[73] Php 4:8 : de cetero fratres quaecumque sunt vera quaecumque pudica quaecumque iusta quaecumque sancta quaecumque amabilia quaecumque bonae famae si qua virtus si qua laus haec cogitate To. loipo,n avdelfoi, o[sa evsti.n avlhqh/ o[sa semna, o[sa di,kaia o[sa a`gna, o[sa prosfilh/ o[sa eu;fhma ei; tij avreth. kai. ei; tij e;painoj tau/ta logi,zesqe\ ‘Au reste, frères, que tout ce qui est vrai, tout ce qui est honorable, tout ce qui est juste, tout ce qui est pur, tout ce qui est aimable, tout ce qui mérite l'approbation, ce qui est vertueux et digne de louange, soit l'objet de vos pensées.’ (LSG)

[74] lit. ‘et la paix sera avec vous’, comparable à Php 4 :9 : quae et didicistis et accepistis et audistis et vidistis in me haec agite et Deus pacis erit vobiscum a] kai. evma,qete kai. parela,bete kai. hvkou,sate kai. ei;dete evn evmoi, tau/ta pra,ssete\ kai. o` qeo.j th/j eivrh,nhj e;stai meq u`mw/n

[75] + in osculo sancto, ‘d’un saint baiser’

[76] ~H ca,rij tou/ kuri,ou VIhsou// meta. tou/ pneu,matoj u`mw/n, cf Php 4 :23

[77] Col 4 :16 : ‘Lorsque cette lettre aura été lue chez vous, faites en sorte qu 'elle soit aussi lue dans l'Église des Laodicéens, et que vous lisiez à votre tour celle qui vous arrivera de Laodicée.’ (LSG) kai. o[tan avnagnwsqh/| parV u`mi/n h` evpistolh,( poih,sate i[na kai. evn th/| Laodike,wn evkklhsi,a| avnagnwsqh/|( kai. th.n evk Laodikei,aj i[na kai. u`mei/j avnagnw/teÅ et cum lecta fuerit apud vos epistula facite ut et in Laodicensium ecclesia legatur et eam quae Laodicensium est vos legatis

[78] avec quelques ajustements (recension courte, corrections), et mise en onciales.